Rêve récurrent ( sans la lettre o)

Rêve récurrent… lipogramme de O


Quand au petit matin, cette même pensée
Accélère le sang, en augmentant ma peur,
Je me lève en sursaut, me traitant d’insensée,
Et me fais un tilleul, qui apaise le cœur.

Ce rêve récurrent survient à la même heure,
et s’acharne à créer, à jamais identiques,
les hauts murs délabrés d’une vieille demeure,
abritant en ces lieux des secrets dramatiques.

Je ne sais pas d’ailleurs quelle en est la teneur
Mais sens distinctement une vague présence
Se plaquer à ma chair et devient très gêneur
l’impensable désir de braver ce silence.

Je franchis le vantail qui lentement s’écarte
Devant de grands cyprès griffant un ciel très gris.
La brume qui descend efface la pancarte
Dans laquelle je butte au milieu de débris

Suite 3

La bâtisse m’attend. Ses petites fenêtres,
cavités béantes, identiques à des yeux
Que le temps à blanchis d’une fleur de salpêtre,
Claquent brutalement, dans ce vent furieux.

Des feuilles me giflent, se perdent en mes cheveux,
La demeure m’appelle, serait-ce le salut ?
Je m’enlise à présent dans un terrain fangeux,
Détrempé par la pluie et le vent fait chahut.

Brusquement une issue attire le regard.
Deux vantaux sur le seuil, lentement se déplient.
Me trainant jusqu’à l’huis, le visage hagard,
J’entends distinctement des cris qui me supplient.

Je ne peux reculer ; il me faut pénétrer
Dans cet antre secret qui semble, là, m’attendre
Depuis bien des années, afin de perpétrer
Les réminiscences puis, au silence les rendre.
A suivre

Suite 4

Je brave le danger car la peur du mystère
Est plus délétère que le péril lui-même.
Blafarde, se répand une étrange lumière
N’éclairant que mes pas, d’un rai de faisceau blême.

Je ne distingue rien et ne peux qu’inventer
Ce qui, devant mes yeux, présenterait un piège.
Sans plus aucun repère, il me reste à tenter
De suivre par instinct mais sans être un stratège.

Faisant de grands cercles de mes pieds, je m’engage
Sur un tracé secret, qui va s’éclaircissant.
Je réalise là, que dans cet arpentage,
D’un plancher affaissé, le vide est bien présent !

Frappés de vétusté, planches et madriers
Fléchissent et craquent, tandis que je franchis,
Etant attentive, bras en balanciers,
Cet univers abstrus trahissant un gâchis.

Suite 6

Je ne sais pas d'ailleurs, ni par quels artifices
Cet arbre prend l’aspect maintenant d’un radeau
M’écartant de ces lieux et de ces maléfices
Nimbée de lumière, et ceinte d’un bandeau.

Sur l’eau transparente laissant pendre ma main
Je repêche un à un des esquifs de papier
Sur lesquels je peux lire dessiné au fusain
Un terme que plus tard je saurais apprécier.
Le ciel est devenu bleu, les nuages s’invitent
A suivre le chemin que je prends à présent
La terre et le ciel dans l’espace gravitent
Mais je sais qu’ils m’incluent en eux en même temps.

Le vent en murmurant, me répète inlassable
Le même terme lu, sur les frêles bateaux
Je n’ai su bien plus tard qu’il serait guérissable
Et saurait à lui seul alléger mes fardeaux.

et ce terme est SALUT

Un fragment d’écriteau, aperçu au jardin,
Surnage lui aussi, entre mer et le ciel.
Dans ces lettres, gravées finement au burin,
Je lis avec stupeur, unique et essentiel :

LIBERTE