Tous les yeux sont tournés vers la piste aux étoiles.
Une belle acrobate sous ses deux pieds habiles roule une grosse boule usant de petits pas vifs et assurés
Un autre artiste lui envoie des anneaux.
Elle se met à jongler de ses bras longs et très lestes en dessinant un ballet aérien.
La sphère rutilante, le corps fin et sculpté aux beaux reflets bleutés évoluent de concert dans les chuchotements de la foule captivée.
Bientôt l’équilibriste redescend sur le sol. Elle termine son numéro en repoussant la boule plus loin vers un dresseur.
Quand ses mains la saisissent dans un enchantement la boule rétrécit et devient un ballon.
Enchaînant aussitôt, l’homme vêtu de blanc lance le ballon rouge vers la jeune impatiente.
Sur son grand tabouret l’otarie attentive attrape habilement l’objet en mouvement.
Tandis que son corps noir ondule et scintille, la balle semble coller au museau moustachu.
Un échange s’engage entre l’homme et la bête dans un jeu rapide et plein d’adresse.
Tandis que le ballon trône sur son perchoir vivant, les nageoires applaudissent l’exploit en même temps que la foule.
Laissant son tabouret, la bête sur le sol continue ses prouesses.
Elle roule sur elle-même puis elle salue en relevant ses palmes postérieures avant d’envoyer le ballon en haut du chapiteau.
Pendant son ascension le ballon devient balle.
Un fildefériste la rattrape.
Le funambule la garde dans la main le temps d’effectuer des petits sauts et des roulades avec la précision que requiert la finesse de son fil tendu au dessus de vide.
L’audace de l’athlète provoque des frissons à ceux qui le regardent ou qui se cachent les yeux de peur d’un accident.
Après un aller-retour vertigineux, il met une baguette entre ses dents et il y place la balle en équilibre.
L’homme aux muscles saillants, moulé dans son habit de lumière, avance sans hésiter.
Ses bras font balancier dans des vacillements qui arrachent des « ho » dans le cœur des gradins.
Avant de redescendre il laisse tomber la balle qui atterrit dans le chapeau du magicien.
Celui-ci s’en saisit et il la présente au public.
On retrouve la balle en voyage sur un tissu tendu.
Elle glisse de gauche à droite, elle emporte et déforme le carré jaune tandis que le prestidigitateur résiste à la force déployée.
Redevenue maître de la balle, il l’écrase dans sa main et la transforme en confettis multicolores avant de la faire réapparaître intacte à l’intérieur de sa bouche et de la déposer rapidement dans son chapeau.
Pour terminer il prend sa baguette magique, il fait quelques tours de passe-passe et il ressort une à une six balles identiques qu’il envoie au jongleur.
Des mains rapides et féériques entraînent alors les balles dans tous les sens.
Le jongleur en vert et noir les pose avant de les reprendre en laissant le souffle coupé aux bouches entrouvertes qui l’entourent.
Les balles passent sous une jambe, roulent sur le bras, rebondissent sur la tête. Elles s’élèvent puis retombent pour être aussitôt renvoyées en dessinant des figures arrondies dans l’espace.
Enfin le jongleur lance les balles une à une vers le sommet du chapiteau.
Elles disparaissent et l’artiste s’éclipse.
Les spectateurs se mettent à rigoler.
Auguste arrive en affichant ses grandes chaussures et sa drôle de démarche.
Ses yeux maquillés de blanc cherchent les balles disparues tandis que ses mimiques marquent son désappointement.
Il regarde en l’air, il trébuche puis se relève sous les rires des enfants.
Il scrute le sol, soulève ses pieds pour regarder dessous et il se met à pleurer en levant la tête.
- Moi aussi je voulais jouer à la balle. Hi ! Hi ! Hi !
Il sort un grand mouchoir et il se mouche bruyamment en provoquant l’écœurement des plus jeunes et la joie des plus grands.
Il range à moitié son mouchoir à carreaux qui pend de sa poche et il regarde une dernière fois vers le sommet du chapiteau rempli d’espoir.
C’est alors qu’une balle redescend et se loge sur son nez.
Le clown sursaute.
Étonné, il tâte son nez rond. Il essaye de l’enlever en vain.
Il écarquille ses yeux puis il sort un miroir d’une poche de son large pantalon bariolé.
Il se regarde.
Son nez rouge lui plaît.
Il le tâte de nouveau.
Il le trouve beau au dessus de ses grosses lèvres rouges et blanches.
Conserver ce nez tombé du ciel le ravit.
Pour marquer sa joie il fait claquer ses bretelles en éclatant de rire pour le bonheur des petits et des grands.
Il se saisit de son accordéon et il se met à jouer en tournant autour de la piste.
Bientôt il est rejoint par tous les artistes qui défilent pour la grande parade.
Depuis ce jour l’Auguste a conservé son joli nez rouge.
Le 27 avril 2014.
Illustration réalisée au crayon.