Juste un mot à dire.
De son regard sombre, elle fixe le grand écran placé devant elle. Son visage, entouré de sa chevelure grise et raide, marque une plongée dans la tristesse.
Son oreille droite est tournée vers la radio muette.
Dans son fauteuil élimé, vert, celui qui partage sa vie depuis si longtemps, demeure immobile. Ses yeux, qui ont gardé leur bleu profond, semblent figés sur les vitres de la fenêtre.
Quelques oiseaux volètent dans le jardin recouvert de givre. Dans l’immobilité de ses prunelles, les perçoit-il ?
Tandis que le silence martèle les esprits et l’espace, des soupirs montent puis s’étirent comme si les murs suintaient de gémissements.
Le vide habite les lieux. Pourtant il suffirait que l’un des « vieux » prenne la télécommande de la boîte à loisirs pour que tout change… en apparence.
Le noir quitterait la télévision, les sons la feraient vibrer. La radio en pâlirait d’envie.
Mais ils se sont lassés de cette ouverture sur le monde qui les enferme dans leur quotidien à deux, dans leur monotonie à deux, dans leur univers clos.
Le seul qu’ils voudraient voir se réveiller somnole. Le seul mot qu’ils ont envie de prononcer n’a pas lieu d’être.
De temps en temps ils se regardent.
— Ça va ?
— Oui et toi ?
— Oui.
Ils se lèvent. Ils s’enlacent. Quel bonheur !
Elle prend son tricot. Ses doigts n’ont pas d’entrain. Il ouvre son journal. Il le survole.
Le seul qu’il voudraient voir se réveiller somnole encore. Le seul mot qu’ils ont envie de prononcer n’a toujours pas lieu d’être.
La musique s’élève soudain. Une main, un pied battent la mesure.
Les yeux se ferment. Le temps passe.
À l’heure du souper, la vie s’anime. Ils aiment partager le potage, le fromage et le pain dans la chaleur de leur foyer.
Au moment du coucher, le seul qu’ils auraient voulu entendre s’est tu. Le seul mot qu’ils ont envie de prononcer n’a pas eu d’écho. Ils se serrent l’un contre l’autre. Demain, qui sait ?
Bien sûr, ils auraient pu prendre l’initiative. Mais le répondeur aurait augmenté leur impatience. Ils en ont déjà fait l’expérience.
Demain peut-être ils pourront dire « allo ! » à un de leurs enfants.
2017.
Il suffit de si peu parfois.